utopie immersive

point oméga de lillo
Boris Groys Politics of Installation


on rentre ici comme on choisi son bunker.
comme jay swayze, je décide de vous proposer une salle close, d’où vous ne sortirez pas tant que l’expérience n’aura pas été menée à terme.

maintenant, aller dans une galerie, c’est choisir. choisir de réfléchir, choisir de lire, ou choisir de rêver. dans ce monde occidental où tout se fige, se frustre, se piétine et s’effrite, passer le seuil d’une galerie fais passer d’un tout à un autre tout, un espace qui paraît tangible et où l’air devient plus dense, épais, comme une bulle où renaissent les idée, ou lâcher prise est une possibilité, où il est possible de tomber amoureuxse

tu entres dans l’espace qui a été dessiné pour toi. Tu franchis d’abord ce pas d’entrée, que j’ai signifié, pour que tu puisse voir de tes yeux que l’espace est franchis. Voir de tes yeux est important pour commencer l’expérience car, venant de l’extérieur, tu as besoin de certitudes.
Cette entrée est assez rigide pour commencer. Car de nos yeux, la rigidité est synonyme de sécurité. Alors, pour te rassurer, te montrer que je n’ignore pas ce que tu vis dehors, je reprend ces mêmes codes. Pour te montrer aussi que tu es mestresse de cette expérience, je vais même faire mieux. Je vais te laisser ouvrir cette porte. Un bloc, épais, large et imposant, armé de fer, renforcé de caoutchouc, et adoucis de coton. Tu vas empoigner le levier, et tu vas ouvrir la porte, laissant s’échapper, s’inter-changer l’espace d’un instant, l’intérieur avec l’extérieur. un petit pet sentant les fleurs s’échappe du haut de la porte, et te voilà prêt.e à passer ce seuil.

Comment est-ce possible ? pourquoi cette odeur de fleur dedans et pas dehors ? Comment font les fleurs pour vivre (survivre) dans le bunker? (cf défilé Chanel chez Bernard Arnaud) c’est bizarre, ironiquement amusant, la vie se trouve désormais dedans. Car maintenant, il faut l’inviter, il faut la côtoyer, il faut la choisir. Si tu ne la convoque pas, il meurs dehors du bitume et des gens gris (roy anderson ou il gratte le mur), poussières et attentes interminables et languissantes. La vie a changé de stratégie. Elle ne démarre plus toute seule, elle va là où il est encore sympathique de s’installer.

Te voilà enfin faire tes premiers pas dans l’environnement choisi.
Glass profiles Roger Hiorns’ Seizure

Tout ce qui t’entoure peut être regardé. Tout est palpable, tangible, sensible. Te voilà enfin dans un espace où il fait bon vivre, où l’expérience est plus importante que le résultat. Et te voilà, toi, te comporter d’une façon toute différente. Te revoilà, tel un.e enfant, rééditer tes certitudes. Sentir, observer, être de nouveau en alerte. Tu prend ce qui te viens, sans te demander à côté de quoi tu passes, tu as tout ton temps. Tu ne perds pas de temps sur les questions de sens, tu te fais simplement confiance, car tout est possible.

Est ce que cet espace est horrible ? Car il est artificiel, tu crois qu’il te donnerait envie de vomir et pleurer en même temps. Peut-être même qu’il te ferais pleurer du vomis, ou vomir des larmes. Il est infâme, écoeurant, désoeuvrant. Il est symbole d’un point de non retour dans une humanité perdue. En es tu sûre ? N’est-il pas plutôt merveilleux ? Car il est aussi la matérialisation d’une poésie sans égal. Tu ne vois pas le ciel, mais à quoi bon voir le ciel quand il est criblé d’avions de chasse ? A quoi bon regarder les parcs quand ils sont semés de fusils à pompe ? A quoi bon respirer l’air fétide des pots d’échappements ?

Tu te laisse l’opportunité de ne pas décider. Au loin, plus ou moins loin, tu vois une piscine. Il fait chaud puisqu’au paradis, il fait 28 degrés. Tu t’approches, tu mets ta main mais bizarrement, l’eau est très épaisse. C’est une façon de garder le liquide propre sous terre. C’est comme une piscine de crème fraîche transparente. Même l’eau que nous buvons est comme ça. Mais Une petite gorgée équivaut à un grand verre. C’est pour les économies. à côté de la piscine, deux transats, chacun posé sur une toile imprimée. Comme tout est très lisse, il faut poser chaque chose sur des tissus épais. En cas d’attaque, rien ne bougera ni ne glissera.

C’est drôle, j’ai pensé à tout pour que tu te sente bien mais j’ai oublié de mettre une frontière entre la cuisine et le jardin. C’est d’une façon surréaliste que le gazon côtoie le carrelage. Je ne sais pas si c’est une véritable erreur ou bien un acte manqué, en tous cas, la première incohérence est remarquée. Mais oublions, nous ne sommes pas là pour ça. Tu caresses les murs, et, sans même y penser, peut-être pour oublier, tu as la partie fuyante de tes pieds dans la cuisine, et les talons dans le jardin. Les orteils sont donc un petit peu rehaussés a cause de la hauteur qui démarque du carrelage. Les murs, pour ne pas être trop brutaux, sont faits de crépi. Là encore, la volonté de tout rassembler à fait déborder des petites imperfections. L’extérieur se retrouve à l’intérieur. Mais qu’aurait été la sensation d’une maison de villégiature sans crépis?
soleil brûlant
chaud, coulant. 

le soleil incandescent me force à me réveiller. 
je remue intérieurement. le dos collé au sol, moite. j'ouvre a peine les yeux. un pied dans l'eau, je brûle. 
le soleil tonitrue au dessus de ma tête. 

le soleil brûle. il irradie.
il fait tellement chaud qu’il se fait fondre lui même, et le décor avec.
il éblouit, il sature, il inonde.
de chaud il devient pâle,
pâle de fièvre, pâle de lourdeur
sa fierté est écarlate, prête à exploser.
il suinte et sens le métal ardent.
il est aigu et fait crisser le fond de la gorge.
il roule sur lui même, tremblant du tonnerre intérieur.
il donne, tonne, pèse.